Tu ne joues pas à la marelle
Disney Channel n’ est pas pour toi
Sur ta tête un fagot de bois,
Ou la bassine de vaisselle.
Tu ne joues pas à l’élastique
Tes amies sont de corvée d’eau
Et les bouteilles de plastique
Pour elles aussi sont un fardeau.
Pas question de corde à sauter
A la rivière il faut descendre :
Tous ces habits sont à laver
Frotter, rincer et puis étendre.
Pas question de jouer aux billes
Dans la poussière de la cour
Aucun répit n’est pour les filles
Tant qu’il reste un peu de jour.
Tu ne joues pas à traverser
En cabrioles les flaques d’eau
Ton petit frère sur ton dos
De tout son poids te fait courber.
Tu as huit ans, dix ans peut-être
Tu marches à petits pas de vieux
Bête de somme, sombre fillette
Où est ton rire malicieux ?
Tu passes longeant les trottoirs
Par deux ou trois, toujours chargées
Petites silhouettes noires
A peine nées, déjà penchées.
A quel moment vis-tu , petite
Est-ce en marchant vers le ruisseau,
Est-ce en nettoyant la marmite
En balayant le caniveau ?
A quel moment retrouves-tu
Le monde éperdu de l’enfance ?
Est-ce en surveillant le zébu
Que tu fais quelques pas de danse
Entre la route et le talus ?
Est-ce en te tenant immobile,
Derrière tes fruits amoncelés
Sous le soleil qui rend stérile
Toutes tes envies de bouger ?
Petite fille de Mayotte
Partout je te vois qui avance
Vers une vie qui escamote
Ton droit aux années d’innocence.