Comment peut-on être poète Breton ?

Y a-t-il (ou non) une spécificité de la poésie Bretonne de Langue Française?
(en dehors de chanter les louanges de sa terre ... )
...
En quoi, en dehors d’êtres originaires de Bretagne, Le
Men, Guillevic, Grall et les autres sont des auteurs
Bretons d'un point de vue des spécificités littéraires ?

Etc...

Pour commencer voici des extraits de ce qu’en dit François RANNOU dans l’introduction du N° spécial Littérature de Bretagne de la revue Europe (Mai 2005)
http://www.europe-revue.info/2005/bretagneintro.htm

…

Citation :

celle-ci ne saurait, comme l’écrit Hervé Carn,
« se réduire à la pratique de la langue bretonne […], ni à un acte de naissance […], ni à une revendication idéologique ou nationaliste, pas même à l’adhésion à une forme de géographie sentimentale. »

Même en breton, certains écrivains, encore trop rares, exigent d’être reconnus, non en vertu d’une « bretonnitude » mais pour ce que leur apport peut présenter d’universel .

Cette nécessité s’affirme encore plus fermement chez des auteurs francophones dont le travail consiste à prendre la langue en poète, à rompre avec une tradition du « terroir ».
Une ambition, commune aux écrivains des deux langues, est bien discernable, celle de s’arracher à une gangue de plus en plus étouffante, déniant à la littérature le droit d’investir son propre espace.

…

Citation :

Il est nécessaire qu’enfin apparaisse au grand jour cette « nouvelle littérature bretonne ».
« Bretonne » parce qu’elle porte en soi pour être vraiment elle-même sa part d’ailleurs, déclencheur d’imaginaire, parce qu’à travers elle peut se délivrer une « matière » qui irrigue et nourrit la littérature universelle.
« Nouvelle » parce qu’elle sait interroger son passé, en saisir les liens brûlants, en former l’actualité, le remettre en question avec un esprit critique pertinent.
C’est enfin une littérature vivante dont les œuvres en cours tracent les contours d’un paysage ouvert sur le large, aux frontières mouvantes, où théâtre, récit, poésie relèvent tous d’une pratique hautement poétique du langage, dont la modernité reste toujours et encore à conquérir, un paysage où les vents soufflent leurs promesses d’avenir.

François RANNOU

(cette parution a créé pas mal de débats et de controverses du fait de la sélection d’auteurs que certains ont jugés arbitraire et aussi probablement de la présence de Françoise MORVAN dans les contributeurs…. Mais ça, c’est une autre Histoire)

Pour alimenter encore le sujet bien que ce soit un peu en marge du débat sur la "définition" de la Poésie Bretonne (il s'agit plus de son devenir)

Voici ce que dit Marc GONTARD
Il insiste sur la nécessité pour les écrivains d'oser de nouvelles expériences poétiques à partir du fonds culturel breton, lequel s'en trouve ainsi revivifié et il conclut en ces termes :

Citation :

« (...) une véritable littérature bretonne de langue française ne s'affirmera véritablement qu'en élaborant une écriture spécifique qui s'écarte du modèle proposé par les prix littéraires, qu'ils soient parisiens ou bretons (ces derniers étant le plus souvent les sous-produits des premiers) ; une écriture qui sache s'inventer une pratique textuelle différente, que ce soit sur le mode de la subversion (Elléouët, Keginer), sur celui du métissage (Keineg, Robin), ou sur celui de la réécriture des modèles traditionnels du patrimoine oral : mythe, légende, conte, gwerz (Grall, Dugué). D'autres formes restent sans doute à trouver. C'est à cette capacité de renouvellement que l'on pourra juger d'une véritable littérature bretonne de langue française."

Source Nathalie Caradec : http://www.tempslibres.org/tl/fr/breizh/bret1.html

Universalité
Culture singulière
Créativité

Avec ça on doit pouvoir déjà dégager des pistes, non?

Gilles

Bonjour,
Pour apporter ma petite pierre à ce nouvel édifice de l'ami Yann ;-)
Une certitude, je suis breton, moitié bigouden, moitié capard et peut-être poète. Georges Perros a tenu à l'oeil et orienté mes premiers pas en poétique, voilà longtemps donc, mais suis-je poète breton pour autant je ne sais...
La Bretagne est vaste à pas d'homme et mon "fief" se réduit au Cap Sizun avec un élargissement vers l'Arrée et ses mystères venteux.
De là viennent la majeure partie des mes images photoniques et beaucoup de mon inspiration enracinée dans l'art de vivre rude mais généreux de mes antécédants mais aussi de certains états "mystiques" face aux évènements étranges de leurs vies sous la lumière drue et puissante de la baie d'Audierne.
Alors poète breton ? Peut-être aussi bien que je ressente le terme un peu restrictif, catégoriel, il est aussi signifiant car cet océan qui s'engouffre dans nos rias comme s'il voulait rejoindre la douceur de nos sources baigne d'une même eau et d'un même élan toute la planète "bleue comme une orange", juste ses noms qui changent comme si les nationalismes voulait aussi s'imposer en ce domaine in-séparé et libre.
Dans un fragment d'un hologramme réside l'entiéreté du motif et de la trame, ici, ce n'est plus une planète esseulée mais l'univers, les univers et aussi ces "îles" du surmonde où la vérité pleut et brûle l'innécessaire.
La vérité de l'île n'est pas acquise, elle doit être gagnée, au bout de mon fragment il y a Sein et à ce sein je me nourris...

Agapes joyeuses à toutes et tous !

Nous sommes du monde mais nous sommes de culture, et cette culture rayonne dans l'universalité comme dans la proximité.

Gilles

Deux citations tirées du livre "Ar Roc'h Toull" de Jakès Kerrien que je viens de chroniquer sur mon blog.
- Tu es Breton, il n'y a pas à se tromper ; quant à être poète, chacun sait qu'il y a un poète endormi dans le coeur de chaque Breton.
-Il y a en tout Breton l'étoffe d'un poète!
Yvon