ATTITUDES AU GRÉ DU VENT
il est des jours de pluie tépides et fades
(l'empreinte de mes pas devenue étrange et fourchue
et assourdissants les hurlements de la bête prisonnière dans mon crâne)
et je sens qu'il me pousse deux bosses en haut du front
il est des nuits givrées de tempête fracassante
(l'empreinte de mes pas s'estompant peu à peu
et soporifique l'orchestre de chambre logé entre mes oreilles)
quand je me sens battre comme des voiles duveteuses derrière les épaules
il est des secondes de ciel bleu lumineux
(l'empreinte de mes pas comme un battement de coeur
et f'air du temps frais et vif comme une pomme verte)
quand je sens que je suis de cette terre-ci
PROJECTION
derrière les montagnes bleues
oú vivent les géants nocturnes
il y a un océan
peuplé de baleines joyeuses
qui mugissent à tue-tête
et au-delà de l'océan
solo batterie de la déferlante
il y a un continent
couvert d'une forêt magique
pleine d'oiseaux aux chaudes couleurs
au chant varié
et loin au large de ce continent
il y a un archipel oublié
oú on joue une musique étrange
en battant des tambours des grands des petits des énormes
en faisant vibrer des cordes
en soufflant dans le cuivre et dans le bois
oú on danse les yeux ouverts
pour ne pas manquer une miette
de la beauté du ciel
vois-tu
c'est cette musique-là que j'entends
APPARITION
La montagne vautrée sur le bord de mer
comme une vache de gabbro ignorant le vertige
Couchée sur le flanc, la falaise, elle rumine du magma
(des fumerolles s'échappent du contour de sa panse battue par les marées)
Sur l'autre flanc moussu de la bête placide, côté vallée,
on voit se dessiner la silhouette du sourcier
Le sourcier était sorcier et prophète et saint homme
il rassemblait les pauvres en une longue procession
qui erraient par monts et vaux, miraculés en haillons
Depuis, les siècles sont passés
mais la montagne en rêve encore
et le sourcier ami des mendiants et des fous
vit dans les contes
Morts depuis longtemps les petits rois de ce monde
seuls vivent les hommes simples dont l'esprit vagabonde
ailes déployées, dans la neige éphémère
Des milliers de sources chantent leur gloire